Notre histoire, tel un palimpseste, s'écrit sur le corps d'une nation cousue de cicatrices'. On a perdu l'habitude de lire des essais politiques aussi lyriques ! Dominique de Villepin, ancien secrétaire général de l'Élysée, devenu ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Raffarin, joue cette partition avec excellence, ressuscitant ainsi une veine politique magnifiée par Péguy et tarie depuis Bernanos. Ajoutons une autre lignée tout aussi prestigieuse dans laquelle s'inscrit Villepin, celle de la diplomatie française, celle de Saint-John Perse et de Claudel, qui entend placer la France comme une nation arbitre des élégances. Mais s'il n'était qu'une clause de style, cet essai serait vain. Sans cesse, Le Cri de la gargouille s'efforce de réfléchir sur ce qu'a été la France, savoir ce qu'elle est devenue, préfigurer ce qu'elle peut être. Les cinquante premières pages sont une magistrale leçon de morale et de politique qui retrace l'histoire de la nation. Puis Villepin, cherchant à déterminer ce qu'est l'âme du Français, explique que le génie français s'incarne finalement dans cette faculté de 'surmonter les crises'. Le problème est que, aujourd'hui, la France est en crise, en panne même. Et la question primordiale est de sortir de cette crise d'identité. La France ne sait plus qui elle est, elle ne se singularise plus que par cet autre penchant bien français : l'orgueil et l'autoflagellation. Villepin s'en remet à sa gargouille, animal sarcastique qui a su prendre de la hauteur, veut sonner le réveil de toute la nation et propose de gagner les défis prochains du progrès, de l'éthique et de la culture. Toujours fine et enflammée, l'analyse de Villepin poursuit un unique but : régénérer les valeurs qui font l'unité et l'unicité de la France car, comme l'auteur le proclame avec fierté et émotion : 'La France est un grand vieux chêne toujours plein d'une sève éternelle'. --Denis Gombert